L'ambition des Catalans en 1282 (partie 9)

Publié le par Jean

Le défi de Bordeaux.

Alors, que Pere el Gran s’éloigne de la Sicile, il peut faire, sous la voile de son bateau, le bilan de ces quelques mois. Il avait quitté les côtes catalanes le 6 juin 1282 et, en ces premiers jours de mai 1283, l’île de la Sicile est passée dans le Casal de Barcelona, peut-être même la Calabre tout entière ; ajoutons les îles de Malte, de Gozo et de Pantelleria. C’est vraiment prodigieux d’avoir vaincu des armées si fortes tant sur terre que sur mer. Pere el Gran est conscient d’avoir brisé le rêve de Charles qui projetait de conquérir l’Empire de Byzance.

Voilà ce que pense probablement le roi alors que son bateau, accompagné de galères, vogue vers la terre catalane. Mais, un vent violent contraire l’oblige à passer dans une galère et c’est à force de rames que le roi débarque en Sardaigne proche du port de Caller. On s’accorde un peu de repos et on reprend rapidement la mer. Une forte tramontane entêtée les pousse inexorablement vers les côtes africaines. Après un jour et demi d’efforts, ce sont enfin les côtes de l’île de Menorca. Finalement, Pere débarque à Cullera, au sud de València, dans la nuit du 16 mai : dix jours d’un voyage interminable ! Il reste tout juste deux semaines avant le «desafiament de Bordeus».

Pendant ce temps, le primogènit Alfons avait convoqué les meilleurs chevaliers de Catalunya et d’Aragó qui devaient participer au combat et ceux qui seraient en réserve. Il a retenu les plus grandes familles de la noblesse. Le premier des six champions est roussillonnais, le vicomte Guillem de Castellnou, qui commandera le groupe ; il est unanimement reconnu comme étant le meilleur chevalier du pays catalan ; puis, on aperçoit le vicomte de Cardona ; enfin, ce sont les nobles Cartellà, Pinós, Entença, Centelles, Cervelló, Anglesola, Montcada ; du côté aragonais, on reconnaît les nobles Urrea, Cornel, Alagó, Vidaure, Luna, Antilló, Ayerbe, Ferrandis. Alfons a prévu les vivres, le matériel, l’itinéraire et les relais dans les villes. Bref, la préparation est excellente.

Or, le roi était attendu à Barcelona ; à cause de la tramontane, il a débarqué près de València ; faut-il modifier le trajet du voyage vers Bordeaux ? Pere et son fils Alfons se rencontrent entre le 24 et le 26 mai, à Tarassona, proche de Saragossa, en Aragó. Alfons lui expose la situation. Et là, le roi Pere va de surprise en surprise. Il apprend que le roi Charles a quitté la Sicile depuis un mois pour s’entendre avec le roi de France dans le but de tendre un piège au roi catalan. Certes, le camp français a trouvé ses cent chevaliers, soixante Français et quarante Provençaux, mais il a été décidé que le roi de France, Philippe III le Hardi, campera à proximité du terrain des joutes avec un millier de d’hommes pour s’emparer de la personne même du roi Pere el Gran ! Le défi chevaleresque de Bordeaux s’est transformé en un guet-apens organisé ! Voyant cela, le roi d’Angleterre, Edouard I°, qui s’était engagé à assurer une totale sécurité et une entière neutralité du camp, refuse son rôle d’arbitre. Le sénéchal de Bordeaux, Jean d’Agrilly, annonce qu’il n’assistera pas à cette joute truquée.

A suivre lundi prochain...

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